S’appuyant sur les observations des professionnels du droit qui en regrettaient la complexité et l’insécurité juridique, le Gouvernement a réformé le régime des nullités des sociétés en mars 2025. Une réforme qui entre aujourd’hui en application…
Nullités : un régime simplifié pour plus d’efficacité
Complexité, insécurité juridique, redondance… Tels étaient les termes utilisés par les professionnels consultés à propos du régime des nullités en droit des sociétés.
L’objectif de la réforme engagée par le Gouvernement était donc double, à savoir :
- sécuriser les décisions sociales en cantonnant les nullités pouvant les affecter ;
- simplifier et clarifier le régime.
Ces objectifs sont, dans un 1er temps, passés par une réorganisation des règles relatives aux nullités. Jusqu’à présent, elles étaient éparpillées, et parfois répétées, entre le Code civil et le Code du commerce. À présent, le Code civil devient le droit commun de la matière.
Le périmètre de la nullité de la société a été restreint. En effet, jusqu’à présent, elle pouvait résulter de la violation des règles relatives au droit des contrats en général et à certaines règles du droit des sociétés en particulier (violation des règles de formation du contrat de société, objet social illicite, etc.).
À présent, seules 2 hypothèses peuvent entraîner la nullité de la société :
- l'incapacité de tous ses fondateurs ;
- la violation des dispositions fixant un nombre minimal de 2 associés.
Concernant les statuts, jusqu’à présent, une clause statutaire était réputée non écrite lorsqu’elle était contraire à une disposition impérative placée dans le titre IX du Code civil relatif aux sociétés et dont cette violation n’était pas sanctionnée par la nullité de la société.
Cette règle est toujours applicable, mais avec un champ plus large puisque toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du droit des sociétés en général (qui peut donc se trouver matériellement ailleurs que dans le titre IX du Code civil) sera réputée non écrite, sauf sanction de nullité prévue.
Le Gouvernement a retravaillé le vocabulaire utilisé puisqu’on parle maintenant de nullités frappant les décisions sociales et non plus les « actes ou délibérations des organes de la société ».
Le terme « décisions sociales » permet de cibler clairement les actes de décisions internes de la société, là où les termes « d'acte » et de « délibération » pouvaient plus largement désigner des conventions passées par la société avec les tiers ou des avis, des opinions, des recommandations, etc.
Notez que les causes de nullité des décisions collectives n’ont pas été modifiées.
Il est à présent précisé que, par principe, la violation des statuts n’est pas une cause de nullité, sauf lorsque la loi le prévoit.
Un apport peut être annulé en cas de violation d’une disposition impérative du droit des sociétés ou d’une règle du droit des contrats sanctionnée par la nullité (par exemple un vice de consentement).
Concrètement, la nullité d’un apport annule mécaniquement les valeurs qui en constituaient la contrepartie (parts sociales ou actions).
En cas de nullité de tous les apports, peu importe le moment où ils ont été souscrits, la société est alors dissoute et doit être liquidée selon ses statuts et les règles applicables dans ce cas.
Nullités : des aménagements procéduraux
Pour rappel, une action en nullité est éteinte lorsque sa cause n’existe plus le jour où le tribunal statue sur le fond en 1re instance.
Jusqu’à présent, il existait une exception à ce principe de régularisation : une action en nullité ne pouvait être éteinte lorsqu’elle était fondée sur l'illicéité de l'objet social.
Cette exception n’existe plus. Autrement dit, la modification de l’objet social qui permet de le rendre licite éteint l’action en nullité.
En parallèle, le Gouvernement a supprimé le mécanisme de régularisation via l’action interrogatoire qui permettait, sous conditions, de « forcer » la personne titulaire de l’action en nullité soit à régulariser la situation, soit à agir en nullité dans un délai de 6 mois sous peine de forclusion, c’est-à-dire sous peine de perdre sa faculté à agir en justice.
Les règles de prescription ont été assouplies afin de renforcer la sécurité juridique des sociétés, réduisant le délai d’un an.
Ainsi, le délai de prescription est de 2 ans, et non plus 3 ans, à compter du jour où la nullité est encourue pour les actions en nullité :
- de la société ;
- de décisions sociales postérieures à sa constitution ;
- des apports.
Notez que des règles particulières sont applicables en matière de fusions, de scissions et de modifications du capital social.
Il s’agit d’une des mesures phares de la réforme : le « triple test » qui remplace l’automaticité de la nullité en matière de décisions sociales.
À présent, le juge saisi d’une action en nullité d’une décision sociale doit, avant de prononcer le cas échéant son annulation, soumettre la situation à un triple test :
- le demandeur doit justifier d'un grief résultant d'une atteinte à l'intérêt protégé par la règle dont la violation est invoquée ;
- l'irrégularité doit avoir une influence sur le sens de la décision ;
- les conséquences de la nullité pour l'intérêt social ne doivent pas être excessives, au jour de la décision la prononçant, au regard de l'atteinte à l'intérêt protégé.
Autrement dit, le juge doit contrôler la proportionnalité de la situation. Notez que certains cas de nullité échappent à cette règle.
Par exemple, le triple test est exclu dans le cas d’action en nullité de la transformation d’une SARL en société en nom collectif, en commandite simple ou en commandite par actions sans avoir obtenu l’accord unanime des associés.
Effets de la nullité : éviter les nullités en cascade
Pour rappel, la nullité vient, en principe, anéantir de manière rétroactive un acte juridique, ce qui revient à considérer qu’il n’a jamais existé. Ce qui peut entraîner des conséquences très importantes.
La réforme introduit donc 2 règles modulant les effets de la nullité.
D’une part, sauf règle contraire, la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d'un organe ou d'un membre d'un organe d’une société n'entraîne pas la nullité des décisions prises par celui-ci.
Cela permet ainsi de limiter les nullités en cascade qui compromettent la sécurité juridique.
D’autre part, lorsque la rétroactivité de la nullité d'une décision sociale est de nature à produire des effets manifestement excessifs pour l'intérêt social, les effets de cette nullité pourront être différés par le juge.
Focus sur les augmentations de capital dans les sociétés par actions
Le Gouvernement a apporté un soin particulier aux augmentations de capital dans les sociétés par actions. Dans l’hypothèse où les titres font l’objet de nombreuses transactions, il peut devenir impossible d’identifier les titres à annuler et donc de mettre en œuvre concrètement une annulation d'une augmentation de capital.
À présent, dans les sociétés cotées, l'action en nullité n'est plus possible dès la réalisation de l'augmentation de capital.
Dans les autres sociétés par actions, l'action en nullité est ouverte pendant 3 mois.
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